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http://www.cndp.fr/agence-usages-tice/que-dit-la-recherche/des-logiciels-pour-remedier-aux-difficultes-de-comprehension-de-textes-chez-les-enfants-66.htm
A partir de ce site vous pouvez aussi accéder à:
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Présentation du logiciel LoCoTex
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Le site de l’équipe universitaire qui a développé LoCoTex
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Le logiciel en ligne TACIT 2.0
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Diaporama d’accompagnement d’une conférence d’Antonine Goumi, université Paris 10
Résumé :
Les difficultés de compréhension en lecture concernent un nombre relativement important d’enfants. La récente étude Progress in International Reading Literacy Study
(2011) montre par exemple que 25 % des enfants français connaissent des
difficultés de compréhension des textes à la fin du CM1. Or, ces
difficultés se répercutent généralement sur l’ensemble des
apprentissages scolaires. Les résultats de nombreuses études
expérimentales en France et à l’étranger montrent que des entraînements
portant explicitement sur la compréhension sont bénéfiques et qu'il est
ainsi possible d'apprendre à comprendre. Dans ce domaine, le recours à
des programmes éducatifs informatisés permet de proposer des outils
efficaces pour remédier aux difficultés particulières des enfants
faibles compreneurs.
Recommandations :
- Favoriser l’activité de l’enfant face aux textes
en lui enseignant des stratégies de lecture comme apprendre à se poser
des questions sur un texte ou à adopter une attitude critique face aux
textes;
- Les facteurs de longueur et de régularité des
séances sont essentiels pour garantir l’efficacité d’un entraînement à
la compréhension. Il semble ainsi que les entraînements longs et
réguliers soient les plus efficaces dans ce domaine ;
- Un
travail à l’oral s’avère nécessaire pour les enfants qui n’ont pas
encore atteint un niveau suffisant de décodage des mots écrits (enfants
faibles lecteurs ou apprentis lecteurs.
Les difficultés de compréhension en lecture
Deux hypothèses permettent d'expliquer les difficultés de compréhension
en lecture. D'une part, les lecteurs, qui ne maîtrisent pas suffisamment
le décodage accèdent difficilement à un niveau de compréhension
satisfaisant. En effet, lorsque les ressources cognitives sont
consacrées majoritairement à l'identification de mots écrits (dans le
cas d'un décodage lent, haché, coûteux), il reste alors moins de
ressources disponibles pour la compréhension. D'autre part, malgré des
processus adéquats de décodage, certains enfants présentent des
difficultés de compréhension récurrentes (à l'oral comme à l'écrit). Un
bon niveau en identification de mots écrits ne suffit donc pas à lui
seul à garantir une bonne compréhension. Les difficultés de ces enfants
concernent principalement la compréhension implicite. Ils ont ainsi des
difficultés à générer des inférences, c'est-à-dire à utiliser leurs
connaissances générales afin de combler les non-dits d'un texte.
Si pour les premiers (faibles décodeurs), une intervention visant les
processus de décodage peut avoir un effet indirect bénéfique sur leur
niveau de compréhension, il apparaît en revanche nécessaire pour les
seconds (faibles compreneurs) de proposer des aides qui ciblent
spécifiquement les processus impliqués lors de la compréhension d'un
texte. Plusieurs études, que nous allons détailler, menées dans un cadre
expérimental ou dans le cadre scolaire ont montré qu'il était possible
d'entraîner ces processus de manière efficace et ainsi d'améliorer les
performances des enfants en compréhension (voir, par exemple, le rapport
du National Reading Panel, en 2000). Ces entraînements,
délivrés généralement en petits groupes d'élèves par l'enseignant ou un
expérimentateur, peuvent reposer soit sur la mise en œuvre de stratégies
de lecture (par exemple : apprendre à repérer la structure des
histoires, à répondre à des questions sur un texte corrigées
immédiatement, à se poser des questions sur un texte, et/ou à résumer
une histoire), soit sur l'utilisation de mécanismes linguistiques
impliqués en compréhension. Il peut s'agir ici d'entraînements au
traitement des reprises anaphoriques par explicitation des règles qui
permettent de faire correspondre un référent et son substitut (e.g.,
« J'ai acheté un chien. Cet animal est très affectueux ») (Bianco,
2003), ou d'entraînement à la production d'inférences par le repérage
des mots indices d'un texte permettant de déduire, par exemple, le lieu
dans lequel se passe une histoire (la plage à partir des mots « sable »,
« vague » et « maillot de bain ») (Yuill et Joscelyne, 1988).
Des logiciels de remédiation des difficultés de compréhension
Dans le domaine de la remédiation, on observe un gain d'efficacité lié
au recours à l'outil informatique (voir la synthèse de Blok et
collaborateurs, 2002). Plusieurs intérêts des programmes éducatifs
informatisés sont généralement soulignés :
- les enfants peuvent travailler à leur propre rythme
- ils peuvent recevoir une aide adaptée à leurs difficultés
- l'outil informatique apporterait un gain motivationnel permettant
aux enfants d'adopter une attitude plus positive face à l'activité de
lecture
Il n'existe cependant à l'heure actuelle en France que très peu de
logiciels d'aide à la lecture visant spécifiquement la compréhension.
Pour pallier ces manques, plusieurs équipes de chercheurs français ont
développé des outils de remédiation reposant sur des principes issus de
la recherche fondamentale et utilisant des paradigmes expérimentaux
stricts afin d'en éprouver la validité. Parmi ces outils, citons trois
logiciels qui visent spécifiquement la compréhension de textes. Le
premier, le logiciel LIRALEC, développé à l'université de Poitiers, se
destine aux collégiens et propose un entraînement à plusieurs stratégies
de compréhension sur la base de différents exercices réalisés à partir
de la lecture de textes documentaires (e.g., répondre à des
questions avec ou sans le texte sous les yeux, rechercher des
informations pertinentes dans le texte, remettre les informations du
texte dans un ordre chronologique ou causal). L'efficacité du logiciel
LIRALEC a été testée dans une série d'expériences auprès d'élèves de 6e.
On observe une amélioration significative des résultats des élèves
entraînés sur une épreuve de lecture de mots isolés et sur une épreuve
de réponse à des questions de compréhension sur de courts textes écrits.
Les auteurs de ce logiciel soulignent toutefois que ces améliorations
sont fonction de la régularité des séances, de la durée de
l'entraînement (ici, 15 semaines) et de l'adaptation des exercices au
niveau initial des élèves.
Pour les élèves du primaire, une équipe de recherche de l'université
Lyon 2 a développé le logiciel LoCoTex qui s'adresse aux enfants faibles
compreneurs dès le début de l'apprentissage de la lecture (CP/CE1). Ce
logiciel propose un entraînement à différents aspects de la
compréhension et plus particulièrement à deux types d'inférences :
celles permettant de relier les informations du texte entre elles
(exercice de repérages d'anaphores) et celles nécessitant l'ajout des
connaissances générales sur le monde (exercice de recherche de mots
indices dans un texte). Une étude a été menée auprès d'enfants faibles
compreneurs de CE1 entraînés quotidiennement sur ce logiciel à raison de
30 minutes par jour, quatre jours par semaine et pendant cinq semaines.
Leurs performances ont été évaluées avant et après l'entraînement sur
des épreuves de compréhension orale et écrite de récits et comparées à
celles d'un groupe contrôle. Les résultats obtenus montrent que ces
enfants progressent significativement sur les épreuves de compréhension
administrées à la fois à court terme (tout de suite après les cinq
semaines d'entraînement) et à long terme (un an après la fin de
l'entraînement).
Enfin, depuis septembre 2012, des chercheurs de l'université de Rennes 2
et de l'IUFM de Saint-Brieuc ont mis en ligne le logiciel TACIT qui
permet, via la réalisation d'exercices de réponse à des
questions portant sur des courts textes, l'évaluation et l'entraînement
des habiletés de compréhension implicite des élèves du primaire et du
secondaire. L'interface proposée permet de travailler en classe entière
et/ou en petits groupes homogènes, de suivre en temps réel les progrès
individuels des élèves et d'adapter la complexité des exercices au
niveau de chacun. Les premiers résultats expérimentaux récoltés auprès
d'enfants du CE2 à la 5e montrent une progression des élèves (notamment
de ceux présentant un faible niveau de compréhension initiale) dans les
exercices de compréhension implicite du logiciel. Une plus vaste
validation expérimentale de cette interface est actuellement en cours,
et une adaptation de la ressource nécessaire pour répondre plus
précisément aux besoins des jeunes élèves..
L'ensemble de ces logiciels s'inscrit dans une perspective similaire. Il
s'agit d'amener les élèves à prendre conscience de la part implicite
des textes en les entraînant à la génération d'inférences dans le cadre
d'exercices ciblés au cours desquels ils reçoivent des retours
appropriés et immédiats. Ces logiciels se destinent principalement aux
professionnels de l'éducation et/ou de la rééducation (psychologues et
orthophonistes). Ils sont disponibles en ligne ou auprès des équipes de
recherche concernées.
Conclusion
Les travaux présentés dans cet article montrent qu'il est nécessaire
d'insister avec les élèves sur la dimension implicite des textes et d'en
dépasser une simple interprétation littérale (insister par exemple sur
l'idée que la réponse à une question de compréhension n'est pas
nécessairement écrite explicitement dans le texte). L'utilisation de
logiciels informatiques dans ce domaine peut être bénéfique. Ces
derniers permettent en effet la personnalisation des parcours de
remédiation aux difficultés spécifiques de chaque enfant. Il est
important néanmoins que ces logiciels visent bien les mécanismes
complexes mis en jeu lors de la compréhension de textes et notamment la
production d'inférences. Les programmes récents s'orientent vers le
développement d'interfaces encourageant la collaboration entre élèves
(voir Yuill et collaborateurs, 2009).
Anna Potocki - Docteur en Psychologie Cognitive, laboratoire
EMC-Université Lyon2* - Maître de conférences, CeRCA, équipe CLIF,
Université de Poitiers